Le chemin de la vie, publié aux éditions Verdier,est une discussion à bâtons rompus entre Maurice Nadeau et la journaliste Laure Adler. Témoignage intimiste d’un aventurier littéraire, citoyen engagé et centenaire, Le chemin de la vie revient sur les passions d’un homme, au premier rang desquelles figure la lecture.
Né le 21 mai 1911, Maurice Nadeau a consacré sa vie aux livres, mais tout voué qu’il soit à la littérature, un siècle ne se traverse pas sans embûches. Peu importe, aux illusions succèdent les belles rencontres. De Jean-Paul Sartre à John Dos Passos en passant par Marguerite Duras, Henry Miller et tant d’autres, Maurice Nadeau se souvient d’un Saint-Germain-des-Prés qui n’est plus, de plumes aujourd’hui disparues.
Il revient sur la création de La Quinzaine littéraire - revue fondée en 1966 avec François Erval -, sur les coulisses de l’édition dont il parle sans langue de bois. Lecteur éclairé, éditeur intuitif, Maurice Nadeau est un dénicheur de talents littéraires. Il fut le premier à publier Walter Benjamin en France et, plus récemment, à éditer Michel Houellebecq. Le chemin de la vie est un livre de souvenirs captivant et contagieux tant il incite à lire ou relire certains auteurs.
Extrait :
L.A. Parmi les absents, avec qui vis-tu le plus ?
M.N. Il y a Flaubert – pourtant, il n’est quand même pas très neuf… c’est vraiment un auteur classique, étudié dans les classes, mais je ne sais pas, je pense souvent à lui. Et même je pense plus souvent à lui qu’à ses œuvres. Flaubert ne me quitte pas. Quand il abandonnait Croisset pour Paris, il allait dans un appartement près de la porte Saint-Martin : j’y suis souvent allé. Je vais en quelque sorte lui rendre visite. C’est un sacré bonhomme tout de même. Grâce à la princesse Mathilde, Napoléon III veut lui donner la Légion d’honneur et tu sais ce qu’il dit : « Non, je ne peux pas accepter ça. » Et il écrit dans sa correspondance : « Les honneurs déshonorent »… C’est formidable ! Il l’a reçoit la Légion d’honneur et tu sais ce qu’il en fait ?
L.A. Non…
M.N. Il l’a trempe dans son café !
L.A. Ça te plaît, ce geste, ça t’épate ?
M.N. Ah oui, je trouve ça formidable ; tout ce qui est inconvenant me plaît...